Changer sans tout casser : l’art délicat de devenir (enfin) soi, au travail
- RH Talents
- 3 mai
- 3 min de lecture

On ne quitte pas son travail
On quitte la personne qu’on prétend y être.
Tout commence souvent sans faire de bruit.
Ce n’est pas une crise. Ce n’est pas une révélation mystique. C’est plus fin, plus subtil : un matin, on relit un mail envoyé à 22h41 et on se dit “ce n’est pas moi, ça”.
On se surprend à dire “comme d’habitude” dans une réunion, alors qu’on rêverait de tout faire autrement.
Le costume n’est pas devenu trop petit. Il est devenu trop loin.
Vous continuez à faire ce qu’il faut. Mais ça sonne faux.
Ce n’est pas un burn-out
C’est une dissonance intérieure.
Ce qui se joue là, ce n’est pas un effondrement. C’est une incongruence, au sens psychologique du terme.
Carl Rogers, grand psychologue humaniste, expliquait que lorsqu’il y a trop d’écart entre le soi profond et le soi social, l’alignement se fissure.
Et que l’on commence à ressentir de l’inconfort, de la tension, voire un petit vertige.
Les neuroscientifiques Antonio Damasio et Dan Siegel ont décrit comment le cerveau humain repère les micro-décalages entre ce qu’on ressent, ce qu’on pense et ce qu’on fait.
Résultat : fatigue, irritabilité, perte d’élan.
On ne sait plus si on joue un rôle… ou si le rôle a fini par jouer à notre place.
Changer de posture : pas un virage, une glissade
Ce qu’il faudrait, c’est changer de posture. Pas de métier, pas d’équipe, pas de secteur.
Juste retrouver un ton juste, une voix plus sincère, une manière d’être plus alignée.
Mais voilà : notre environnement aime les repères.
Si vous changez trop vite, trop fort, trop “contre” ce que vous incarniez jusqu’ici, vous risquez de désorienter.
C’est un paradoxe cruel : plus vous êtes authentique, plus vous pouvez paraître instable.
La seule voie tenable, c’est la glissade lente.
Un repositionnement intérieur, minutieux, progressif.
Les signes ? minuscules, mais massifs
Changer de posture commence par des détails :
Ne plus répondre “pas de souci” quand il y en a un.
Dire “j’ai besoin de réfléchir” à la place de “oui bien sûr”.
Retirer une phrase de votre signature mail.
Proposer une idée avec votre propre vocabulaire, pas celui du power point.
À l’extérieur, presque rien ne change.
Mais à l’intérieur, vous reprenez votre place.
Et ça, ça s’entend.
Même en silence.
Vous devenez un peu moins lisible
Et c’est bon signe.
Quand on commence à se réaligner, on devient flou pour les autres.
On parle un peu différemment.
On agit sans trop expliquer.
On écoute autrement.
On rit à d’autres moments.
Les collègues ne savent plus trop si vous êtes d’accord ou non. Et vous, pour une fois, vous n’avez pas besoin de clarifier.
Parce qu’il y a une cohérence nouvelle qui s’installe. Pas encore visible. Mais déjà vivante.
Ce n’est pas une stratégie
C’est un changement de gravité.
Beaucoup croient qu’un repositionnement professionnel se pense comme une stratégie.
Un nouveau storytelling. Une réorganisation de marque personnelle.
Mais ce qui change là, c’est votre centre de gravité.
Vous n’essayez plus d’être à la bonne place.
Vous habitez votre place.
Vous ne cherchez plus à plaire.
Vous cherchez à être juste.
Et cette densité nouvelle crée des effets d’entraînement puissants.
Sans forcer. Sans afficher.

Et un jour, sans prévenir, vous êtes là
Ce n’est pas prévu dans votre agenda.
Peut-être un jeudi. Il pleut.
Vous avez un reste de quinoa tiède dans une boîte en plastique moche.
Vous êtes fatigué.e. Et pourtant…
Quelqu’un vous demande ce que vous pensez.
Et vous répondez.
Pas pour convaincre.
Pas pour performer.
Pour dire ce que vous êtes.
Et dans le silence qui suit, vous vous sentez entier. Présent. Vrai.
Pas plus intelligent. Pas plus puissant.
Mais profondément à votre place.
Ce n’est pas spectaculaire. Mais c’est immense.
Il n’y aura pas de standing ovation.
Pas de certification.
Pas de médaille du changement intérieur.
Mais il y aura ce moment où, en rentrant chez vous, vous vous direz, sans mise en scène :
« Là, aujourd’hui, j’ai été moi. Et ça m’a suffi. »