
L'effectuation : un nouveau paradigme pour décider autrement
Prenons un moment pour imaginer la scène : vous êtes face à une feuille blanche, vos rêves professionnels sont inscrits quelque part dans un coin de votre esprit.
Pourtant, quelque chose vous retient.
Une peur irrationnelle ? Peut-être.
Ou simplement ce conditionnement qui nous pousse à croire que pour avancer, il nous faut des plans parfaits, des feuilles de route tracées à la règle.
Et si je vous disais que ce n'est pas vrai ?
Que réussir peut commencer par une seule action, même modeste, basée sur ce que vous avez déjà à disposition.
C’est là qu’entre en scène la théorie de l’effectuation.
Ce terme peut paraître technique, mais en réalité, il s'agit de s'appuyer sur ce qui est à notre portée, sans attendre d’avoir tous les éléments en main.
Saras Sarasvathy, professeure et chercheuse à l'origine de ce concept, a découvert que les entrepreneurs prospères ne démarrent pas forcément avec un plan parfaitement abouti. Ils agissent, avancent pas à pas, ajustent leur route en fonction des opportunités et des obstacles.
Dans notre société où l'on prône souvent la planification méticuleuse, l’effectuation nous invite à embrasser l’incertitude comme une force motrice.
Mais comment cela peut-il s’appliquer à votre propre parcours professionnel ?
L'effectuation repose sur cinq principes clés :
Démarrez avec ce que vous avez : Plutôt que d'attendre des ressources parfaites, utilisez ce qui est déjà accessible.
Calculez vos pertes acceptables : Ne prenez pas de risques démesurés ; avancez étape par étape.
Exploitez les surprises : Les imprévus ne sont pas des échecs, mais des opportunités d'apprendre et de s'adapter.
Construisez des alliances : Collaborez avec ceux qui partagent votre vision, même si elle n'est pas encore aboutie.
Façonnez l'avenir : Plutôt que de tenter de le prédire, créez-le en agissant dans le présent.
Démarrer avec ce que vous avez : l'art d'utiliser ses ressources actuelles
L’une des grandes erreurs dans la vie professionnelle est de penser qu’il nous faut toujours plus avant de démarrer : plus de diplômes, plus de contacts, plus de temps.
Nous nous retrouvons souvent coincés dans cette spirale de la perfection, en quête de la condition idéale pour prendre le premier pas. Mais si je vous disais que tout ce dont vous avez besoin pour avancer, vous l’avez déjà ?
C’est ici que l’effectuation prend tout son sens. Elle nous enseigne à démarrer avec nos compétences actuelles, nos expériences – aussi modestes soient-elles – et même nos échecs passés.
Ces derniers, souvent considérés comme des obstacles, peuvent en réalité être des tremplins si nous choisissons de les utiliser à bon escient.
La clé est de ne pas attendre, mais d'agir.
Prenons l’exemple de Pauline, une graphiste en reconversion. Plutôt que de suivre une formation coûteuse pour "légitimer" son projet, elle a décidé de commencer en offrant ses services à son entourage, perfectionnant ainsi son portfolio au fur et à mesure.
Chaque mission, même petite, lui a permis d’apprendre et de se rapprocher de ses objectifs. Son parcours illustre parfaitement le premier principe de l’effectuation : démarrer avec ce que l’on a.
Alors, pourquoi ne pas vous poser la question : Quelles sont les ressources dont je dispose ici et maintenant ?
Cela peut être un talent particulier, un réseau, ou même une simple idée.
Accepter l'incertitude : calculer ses pertes acceptables
L'une des peurs les plus paralysantes dans la vie professionnelle, c’est celle de l’échec.
Nous avons tous entendu des histoires de projets qui ont échoué, d'entreprises qui se sont effondrées, ou de reconversions professionnelles qui ont laissé les gens démunis. Mais l’effectuation offre une perspective différente : il ne s’agit pas d’éviter l’échec à tout prix, mais de le gérer intelligemment.
Le deuxième principe clé de l'effectuation consiste à calculer ses pertes acceptables.
Plutôt que de tout miser sur une seule carte, il s'agit de faire des choix en gardant en tête ce que vous êtes prêt à perdre sans que cela ne devienne dévastateur. C’est une façon de rester réaliste, tout en gardant l'envie d'avancer.
Revenons à Pauline, notre graphiste. Lorsqu'elle a débuté, elle a accepté des projets sous-payés, non pas parce qu’elle n’avait pas de valeur à offrir, mais parce qu’elle savait que ces premiers pas étaient essentiels pour gagner en expérience.
Elle avait calculé que, même en investissant quelques heures gratuitement, le gain en visibilité et en apprentissage justifiait ce petit sacrifice.
La question à vous poser est simple : Jusqu’où suis-je prêt à aller sans me mettre en danger ?
Une fois que vous aurez cette réponse, vous serez en mesure d'avancer avec plus de sérénité.
Exploiter les surprises : quand l’imprévu devient une force
Qui n'a jamais eu peur de l’imprévu ?
Dans un monde professionnel qui privilégie la planification, l'idée de ne pas tout contrôler peut être effrayante. Et pourtant, c’est justement dans l’incertitude que se cachent les plus grandes opportunités.
L’effectuation nous apprend à accueillir les surprises, à les traiter non pas comme des obstacles mais comme des sources d’apprentissage. Si vous savez utiliser l’inattendu, chaque revers peut devenir une chance de vous adapter, d’innover et d’apprendre. Steve Jobs lui-même parlait de la nécessité de « relier les points » de notre passé. Un échec, un détour, une rencontre imprévue – tout cela peut devenir la base de votre succès.
Cela ne signifie pas qu'il faille chercher l’échec, mais plutôt qu’il faut être prêt à s’en servir lorsqu’il se présente.
Et vous, comment pouvez-vous transformer une situation imprévue en opportunité ?
Posez-vous cette question la prochaine fois que quelque chose ne se passe pas comme prévu.
Construire des alliances : l’importance du réseau
Autre grand enseignement de l’effectuation : on ne réussit pas seul. Construire des alliances solides, même avec des personnes qui ne sont pas forcément des experts, est une des clés du succès.
En vous entourant de personnes qui partagent vos valeurs et vos objectifs, vous augmentez vos chances de réussir.
Pauline, notre graphiste, a rapidement compris qu’en nouant des partenariats avec d’autres freelances, elle pouvait accéder à des projets plus importants. Ensemble, ils ont pu répondre à des demandes plus complexes, élargissant ainsi leurs horizons respectifs. Cet esprit de collaboration est l’essence même de l’effectuation.
Pensez à votre réseau actuel : Avec qui pourriez-vous collaborer pour avancer ensemble ? Il peut s'agir de mentors, de collègues ou même de clients potentiels.
Façonner l’avenir plutôt que le prédire
Enfin, et peut-être le plus libérateur des principes de l’effectuation, il s’agit de cesser de vouloir tout prévoir et de commencer à créer l’avenir. Plutôt que d'essayer de deviner ce qui arrivera dans cinq ou dix ans, concentrez-vous sur ce que vous pouvez faire aujourd'hui.
C’est en agissant maintenant, avec les ressources à votre disposition, que vous façonnerez les opportunités futures.
L’incertitude, autrefois paralysante, devient alors un allié. Quelle est la première action que vous pouvez entreprendre aujourd'hui pour façonner votre avenir ?
L’effectuation n’est pas une baguette magique, mais c’est une approche pragmatique et libératrice pour avancer dans sa carrière. En acceptant de commencer avec ce que vous avez, en évaluant les risques acceptables, en accueillant les imprévus, en vous entourant des bonnes personnes et en agissant maintenant pour façonner votre avenir, vous découvrirez que l’incertitude n’est pas à craindre, mais à embrasser.